De plus en plus de personnes viennent me consulter, me décrivant la souffrance qu'elles éprouvent au travail. Cela est souvent lié à une relation conflictuelle entretenue avec un collègue ou un manager, mais ce peut être lié aussi à une absence totale de relations avec ses collègues, on parle alors de mise au placard... Ces personnes n'osent pas employer le terme de harcèlement moral, qu'elles jugent trop fort, exagéré par rapport à ce qu'elles vivent. Pourtant la grande majorité d'entre elles s'est vue prescrire au moins une fois des anxiolytiques par leur médecin. Alors, à partir de quand peut-on parler de harcèlement moral au travail ?
Définition légale
Le harcèlement moral est défini comme le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel (article L1152-1 du Code du Travail).
Les actes doivent intervenir dans le cadre d'une relation de travail, de la part d'un supérieur hiérarchique, d'un collègue ou d'un subordonné, et ils doivent être répétés, même si c’est pendant une brève période de temps.
Bon à savoir : Ces agissements ne doivent pas forcément avoir déjà dégradé vos conditions de travail ou votre état de santé. La simple existence de ces agissements permet d'agir.
Vous pouvez donc les dénoncer en amont et ainsi vous protéger des conséquences néfastes de tels actes.
Des actes qui ne se produisent pas formellement sur le lieu et pendant le temps de travail peuvent tout de même être constitutifs de harcèlement moral si le contact établi entre l’auteur des actes et la victime relève du travail. Les actes peuvent aussi intervenir lors d’une dispense d’activité (congé-maladie, congé-maternité) puisque le contrat de travail est suspendu certes, mais n’est pas rompu.
L’intention démontrée de l’auteur du harcèlement n’est pas nécessaire. Autrement dit, des actes répétés suffisent même si le but de l’auteur n’était pas de harceler.
Le fait d’avoir entretenu une relation intime avec l’auteur des actes ne change en rien la qualification de harcèlement moral au travail - même si la relation relevait par nature de la vie personnelle. Dès lors que les actes se sont produits sur le lieu de travail ou qu'ils sont en lien avec le travail, ils sont qualifiables de harcèlement moral.
Les situations de harcèlement moral les plus fréquentes
La définition donnée par le Code du Travail est large, et peut ainsi recouvrir un champ assez vaste de comportements. Les actes, répétés, dans l’ensemble, doivent avoir ou être susceptibles de causer des conséquences néfastes sur les conditions de travail et sur la santé. Ils sont ainsi, des pratiques relationnelles, des pratiques d’isolement, des pratiques punitives, des pratiques persécutrices, des pratiques de mise à l’écart.
La mise à l’écart d’un salarié est un des comportements les plus caractéristiques du harcèlement moral au travail. Elle consiste à exclure progressivement le salarié, à le priver de sa légitimité en l’isolant et en le coupant de son environnement de travail. Par exemple, la suspension sans motif légitime de la ligne téléphonique ou de la messagerie électronique du salarié, le retrait de responsabilités, des missions progressivement vidées de tout contenu, l’attribution de tâches sans rapport avec les fonctions, l’affectation à des travaux subalternes lors d’un retour de congé-maladie ou congé maternité sont des actes constitutifs de harcèlement moral.
La rétrogradation est également un comportement caractéristique de harcèlement moral. Il s’agit par exemple du retrait du statut de cadre, d’une diminution du salaire, d’un déclassement dans la hiérarchie.
Des propos sexuels à caractère déplacé envoyés par SMS, pendant les heures de travail, ou en dehors des heures de travail dès lors que le contact établi relève du travail, constituent du harcèlement moral.
Le sont également : les propos injurieux et comportement déplacé du responsable, gestion directe des équipes en ignorant délibérément les niveaux hiérarchiques, la modification abusive des horaires de travail, etc…
Les situations exclues de la qualification de harcèlement moral
Certains actes, en revanche, ne peuvent pas être retenus comme du harcèlement moral au travail.
Il en est ainsi des écarts de langage tenus sur une seule journée qui, s’ils peuvent être considérés comme une faute, ne sont pas des actes de harcèlement moral puisque ces actes ne sont pas répétés. L’exception est cependant faite à un acte/un propos relié à une discrimination prohibée (raciste, sexiste) : il est possible de qualifier l’acte isolé et non répété comme harcèlement moral (loi du 27 mai 2008).
Également, ne sont pas considérés comme du harcèlement moral : l’exercice légitime
du pouvoir disciplinaire via une sanction justifiée et proportionnée, la mise en œuvre de mesures imposées par la loi comme des mesures temporaires destinées à assurer la permanence du service, des demandes de travail figurant dans la fiche de poste, et des décisions objectives et non-discriminatoires concernant l’évolution professionnelle du salarié.
Nathalie DAHAN AOUATE - Éléonore KOECHLIN
Nathalie Dahan Aouate est avocat expert en droit du travail et intervient aux côtés des salariés.
Pour plus de renseignements, n'hésitez pas à nous contacter au 01.46.16.52.01
Nathalie DAHAN AOUATE