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L'abandon de poste : bientôt considéré comme une démission ?

L'abandon de poste : bientôt considéré comme une démission ?

Le 3 octobre 2022, un projet de loi Marché du travail a été proposé devant l’assemblée nationale. Ce projet a été adopté par les députés et les sénateurs le 9 novembre 2022.

 

Un amendement en particulier a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. Il s’agit de l’insertion d’un nouvel article L.1237-1-1 dans le code du travail selon lequel l’alinéa premier prévoit « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire ».

Il s’agirait donc de considérer comme démissionnaire un salarié qui abandonne son poste, afin de le priver de l’allocation de retour à l’emploi (droit au chômage).

 

L’objectif poursuivi : préserver les caisses de pôle emploi

Le but de cette opération est de préserver les caisses de l’assurance chômage.

Il est vrai que beaucoup de salariés, qui souhaitent quitter leur emploi tout en bénéficiant du droit au chômage, envisagent l’option de l’abandon de poste. En effet, la rupture conventionnelle, qui permet de se faire ensuite indemniser par pôle emploi, n’est pas systématiquement accordée au salarié qui la demande.

Pourtant, l’abandon de poste n’est pas la meilleure solution puisque l’employeur peut mettre du temps, volontairement, à licencier le salarié en abandon de poste. Pendant tout ce temps, le salarié, qui est en absence injustifiée, n’est pas payé. De plus l’employeur peut encore tarder à remettre au salarié ses documents de fin de contrat, notamment l’attestation destinée à pôle emploi qui permet de toucher le chômage.

Il ne faut pas oublier cependant que parmi ces salariés, certains n’ont pas le choix : un salarié qui fait face, impuissant, aux manquements de son employeur n’aura peut-être que cette solution pour rompre son contrat de travail.

 

La difficile articulation de cet amendement avec les dispositions en vigueur

D’un point de vue purement juridique, cette nouvelle présomption risque de se heurter au droit en vigueur. En effet, la Cour de cassation, Haute juridiction, estime de manière constante que la démission ne se présume pas ; elle doit résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail.

Ainsi, instituer une présomption de démission pour un abandon de poste, viendrait remettre en question le régime de la démission.

Néanmoins il ne s’agit pas d’une présomption irréfragable et elle pourra donc être renversée devant les juridictions prud’homales.

 

La contestation possible de cette présomption devant le Conseil des prud’hommes

D’un point de vue pratique, ce projet d’article prévoit que le salarié aurait la possibilité de contester cette présomption devant le Conseil des prud’hommes qui statuerait dans le délai d’un mois suivant sa saisine.

Or, les juridictions prud’homales sont si encombrées, surtout en région parisienne, qu’il est illusoire de penser que l’affaire sera traitée en 1 mois, surtout si l’une des parties envisage de faire appel de la décision, auquel cas il faut compter plutôt plusieurs années.

En définitive, ce nouveau dispositif risque en effet de freiner les abandons de poste destinés à obtenir une indemnisation par l’assurance chômage. Il faudra donc pour ces salariés privilégier la voie de la négociation pour tenter d’obtenir une rupture conventionnelle.

Pour maximiser les chances de l’obtenir, il est préférable de se faire assister par un avocat expert en la matière.

Enfin, reste à voir si ces nouvelles dispositions passeront le barrage du Conseil constitutionnel s’il est saisi.

Nathalie DAHAN AOUATE

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Nathalie Dahan Aouate est avocat expert en droit du travail et intervient dans la défense des salariés.

Pour plus de renseignements, contactez-nous au 01.46.16.52.01

Nathalie DAHAN AOUATE

Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

www.cabinet-nda.fr

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